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" Une clientèle quasi exclusive formée par les pépinières d'élevage "

Gilles Colinet (à droite) a repris les pépinières André Briant Jeunes Plants® fin 2014. À gauche, Vincent Le Hegaret, le directeur commercial de l'entreprise.

Gilles Colinet a repris les pépinières André Briant Jeunes Plants® (ABJP®) en novembre 2014. Avec pour objectif de profiter de la notoriété, de la technicité et du niveau de qualité de l'entreprise pour la relancer en élargissant son offre aux taxons aujourd'hui demandés sur le marché. Un travail qui va s'étaler au fil des prochaines années.

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« André Briant a créé un outil formidable, d'une qualité technique exceptionnelle. » Par ces mots, Gilles Colinet, qui a repris fin 2014 les pépinières André Briant Jeunes Plants® (ABJP®), explique le sens de sa démarche. Passionné de végétaux et alors qu'il a déjà repris les pépinières Huchet (voir encadré), cet ingénieur agronome venu de l'agroalimentaire s'est rapidement intéressé au dossier lorsque, début 2014, le groupe Jardiland a annoncé vouloir se séparer de cette entreprise. L'enseigne de jardinerie venait d'être revendue et, en pleine restructuration, a décidé de se recentrer sur son coeur de métier. Exit donc les quatre pépinières intégrées dans le groupe, deux seront fermées (les pépinières Derly, à Blagon (33), et du Thuilay, à Brou (28) et deux seront revendues, ABJP® donc, et les pépinières Desmartis (voir le Lien horticole n° 940 du 9 septembre 2015). « Je n'étais pas de prime abord le repreneur le mieux placé. Mais j'ai présenté à Thierry Sonalier, le nouveau directeur de Jardiland, une offre préliminaire en dessinant les grands axes de mon plan de reprise. Il a cru à mon sérieux et à ma détermination », explique simplement Gilles Colinet.

Dans un marché européen de la pépinière en récession depuis plusieurs années, ABJP® a vu ses ventes baisser de 10 à 15 % par an depuis 2012 et a, de surcroît, dû faire face à une concurrence accrue, européenne ou française. Un premier plan de restructuration basé sur des départs volontaires, mis en oeuvre en 2012, a provoqué une « hémorragie de personnes de qualité ». Avant ce cap difficile, le chiffre d'affaires avait atteint 10 millions d'euros par an, il n'est plus aujourd'hui que d'environ 7 millions. Mais pour son nouveau dirigeant, les choses sont désormais stabilisées. Il est possible, en partant sur de nouvelles bases, de profiter des fortes plus-values de l'entreprise : « Elle a sa notoriété, sa technique, son côté société fait-tout (la greffe, le semis, la bouture, l'in vitro) et bien sûr sa qualité. Et il ne faut pas sous-estimer le fait que les investissements avaient toujours été au rendez-vous. Il y avait moyen de la redresser par étapes. »

Un nouveau plan social et un site de production fermé. Plusieurs années d'intégration dans un grand groupe ont généré des lourdeurs de fonctionnement et beaucoup de charges inutiles « qui ne pouvaient plus être supportées, estime Gilles Colinet. Mais surtout, ABJP® souffrait d'un manque de vision stratégique et d'autonomie de fonctionnement. L'absence d'un patron responsable se faisait cruellement sentir. J'ai mis en place un programme d'économies significatif. Début 2015, un plan social a permis de ramener les effectifs permanents de 89 personnes à 60, avec quelques départs spontanés. Il a concerné tous les services, y compris l'administration, qui était surdimensionnée ». Au final, c'est une enveloppe d'un million d'euros qui sera économisée en année pleine. Des niveaux hiérarchiques ont été supprimés, la gestion est devenue plus directe. Par contre, l'ensemble repose toujours sur la même équipe de cadres dirigeants « très dévoués à l'entreprise », Vincent Le Hegaret à la direction commerciale, Éric Vandenbempt à la direction d'exploitation et Thierry Lepage à la direction de la production. Et le nouveau propriétaire des lieux insistesur le professionnalisme et la réactivité des chefs de travaux et des ouvriers de production.

Parmi les nombreux sites de production (voir encadré), l'un a été fermé. Un autre, celui de Tiercé, assez éloigné du siège social de Saint-Barthélemy-d'Anjou et très étendu, n'est désormais plus consacré qu'à la production de scions en pleine terre. Les autres productions ont été ramenées à Saint-Barthélémy-d'Anjou. La logistique interne a été simplifiée, même si ABJP® continue à jongler avec cinq sites de production.

Innover pour mieux coller aux besoins du marché. Gilles Colinet estime qu'aujourd'hui les équipes ont tourné la page, se sont remobilisées. L'heure est à la mise en place de la stratégie et de la gamme du futur. La première chose que le nouveau dirigeant veut préciser, c'est que l'établissement va bien rester sur la production de jeunes plants. Des bruits courent sur la mise en place de production de plantes finies. Mais il ne s'agit que de « lots pour honorer des contrats passés avec Jardiland pour une période de deux ans ». La volonté affirmée est de centrer le travail sur les jeunes plants, essentiellement de plantes ligneuses. « Notre clientèle quasi exclusive restera les pépinières européennes d'élevage », précise Gilles Colinet. Par contre, les commandes étant très larges et l'entreprise ne réalisant que peu de négoce, elle veut élargir sa gamme pour pouvoir répondre le plus complètement possible à ses clients. Un accord a été passé avec un producteur de vivaces, mais pour le reste, il s'agit d'être toujours capable de fournir l'intégralité des commandes. « Les tendances actuelles n'ont pas été suffisamment anticipées. Maintenant, nous devons étoffer notre gamme, proposer plus d'espèces recherchées par les professionnels du paysage. Cette mise en adéquation de la production avec les besoins du marché prendra quelques années, mais nous la menons à marche forcée. Nous sommes, cette année, en rupture sur certains de nos produits phares qui ont fait notre réputation : Choysia, Nandina, Pittosporum et même Photina. La stratégie est de devenir un généraliste du jeune plant de pépinière en adjoignant progressivement aux plantes ligneuses des gammes connexes adaptées aux nouvelles demandes du marché : vivaces, graminées, fougères, gammes botaniques, gammes pour le paysage... Le tout, bien sûr, en misant sans cesse sur l'innovation. »

Tester pour ne lancer que des plantes sûres. Des carrés d'essais permettent de mettre à l'épreuve des nouveautés ; des contacts sont noués avec des obtenteurs à l'étranger pour introduire des sujets intéressants. Le but n'étant pas d'apporter de la nouveauté pour la nouveauté, mais d'expérimenter suffisamment longtemps pour éviter de mettre au catalogue une plante qui ne se comportera pas correctement. Aujourd'hui, des tendances fortes se dessinent du côté des plantes persistantes de bord de mer, comme les Phormium ou les cordylines, des plantes de balcons et terrasses, et quatre Abelia devraient être bientôt introduits. Mais l'entreprise veut aussi travailler des plants botaniques dans des genres tels que Heptacodium, Evodia, Eriostemon myoporoides, qu'elle est quasiment la seule à proposer, ou Edgeworthia chrysantha, à la belle floraison hivernale... Et parmi les végétaux qui manquent au catalogue et qu'il va falloir renforcer, figurent les Lagerstroemia, le Nandina 'Gulf Stream' ou les Pittosporum... Le Sapho, dont ABJP® est membre, fournit un bon nombre d'introductions, comme le Photinia fraserii 'Louise', qui vient d'une pépinière écossaise. Et la société développe une gamme de scions fruitiers, dont le marché semble manquer. Elle pense pouvoir proposer une palette élargie et des volumes plus importants d'ici deux ou trois ans.

Être plus présent en France, mais aussi à l'export. Renforcer une gamme et réorienter les volumes prend toutefois du temps : il faut tester les végétaux, planter les pieds mères, puis les multiplier. Quand les plantes peuvent être multipliées in vitro, cela peut aller vite. Mais la technique, bien qu'intéressante, n'est pas adaptée à tous les sujets. Les « très à la mode » agapanthes s'y prêtent bien comme les Choysia, sauf 'Sundance', qui devient vert lorsqu'il est multiplié en laboratoire, mais 'Aztec Gold' ne pose aucun problème... Vincent Le Hegaret a mis en ligne 3 000 photos parmi les références proposées (plus de 1 300 taxons). Objectif : que le client, d'un simple clic, puisse s'assurer de la qualité.

Pour asseoir son nouvel essor, l'établissement compte sur le marché français, qui s'est stabilisé cette année, voire qui offre une certaine dynamique comme dans l'Ouest, mais aussi sur les marchés étrangers. Et si les ventes hors de France ont parfois pesé dans ses difficultés (des pertes de marché depuis 2008 en Europe centrale, où elle a eu réalisé près d'un million d'euros de chiffre d'affaires, en raison de concurrences nouvelles ou du caractère plutôt volage de la clientèle, ainsi que sur les marchés italiens et allemands), ABJP® espère pouvoir tirer son épingle du jeu dans certains pays. « En Italie, qui est en reconquête, alors qu'elle était restée sur des gammes traditionnelles et où les producteurs vont devoir miser sur des nouveautés. Mais également en Angleterre et en Europe du Nord, où nos ventes sont à la hausse », précise Gilles Colinet.

Le domaine du jeune plant a toujours été un fer de lance de l'export pour la pépinière française. Aujourd'hui, on ne peut que se réjouir de voir que l'aventure continue pour l'un des plus beaux noms hexagonaux du secteur !

Pascal Fayolle

La stratégie d'André Briant Jeunes Plants® est de devenir un généraliste du jeune plant de pépinière en adjoignant progressivement aux plantes ligneuses des gammes connexes adaptées aux nouvelles demandes du marché : vivaces, graminées, fougères...

L'objectif de la nouvelle direction est de pouvoir profiter des fortes plus-values de l'entreprise : « Sa notoriété, sa technique, et la qualité de ses produits. »

Afin de réaliser des économies, un site de production a été fermé. Celui de Tiercé ne conserve que de la pleine terre, le reste a été ramené ici, à Saint-Barthélemy-d'Anjou.

Renforcer une gamme prend du temps : il faut tester les végétaux, planter les pieds mères (ce qui a été effectué dans cette serre), puis les multiplier.

L'entreprise veut élargir sa gamme pour mieux répondre à ses clients car ses commandes sont très larges et elle ne réalise que peu de négoce.

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